© Le cycle de l'Austrel,
tome premier : Souvenir d'un amour,
des écrits de Yves Philippe de Francqueville,
pirate des mots et philanalyste en herbe.
Treizième et dernière partie :
tome premier : Souvenir d'un amour,
des écrits de Yves Philippe de Francqueville,
pirate des mots et philanalyste en herbe.
Treizième et dernière partie :
[Dans une salle de réunion.]
Emma :
— Peux-tu nous dire plus précisément qui tu es ?
Jeph :
— Comment vous expliquer…
Bien avant la Chalystime, je m’étais opposé aux décisions du Conseil.
Je me trouvais parmi les proches du professeur Bruno, favorable au sérum.
Pol :
— Il a été kryfluxiré…
Franch :
— Et pourquoi pas toi ?
Jeph :
— Qui donc aurait pu alors vous en conter la triste aventure ?
Emma :
— Chris, avant d’être greffé, il y a déjà sept cycles, nous a offert cette version des faits que l’Austrel récuse.
Tu ne figurais pas parmi les protagonistes.
En tous les cas, tu n’existes pas non plus dans l’histoire officielle.
Franch :
— Tu n’es notifié dans aucun des dossiers électroniques que je consulte.
Pol :
— En effet.
C’est identique de mon côté, pour l’informatique.
Je vois bien Bruno, Arno et d’autres professeurs comme Nicol, mais point de Jeph ou de nom s’y approchant.
Même dans l’entourage des opposants de la dernière heure…
Emma :
— Alors, malgré ces regrettables lacunes — nous fondant sur l’impression positive ressentie à ta rencontre — pouvons-nous t’accorder notre confiance ?
Pol :
— Nous sommes trop jeunes pour lutter sans aide.
Emma :
— Et nous manquons terriblement de connaissances.
Franch :
— D’armes aussi.
Nous n’avons guère le choix.
Seuls, nous sommes condamnés à court ou moyen terme.
En suivant Jeph nous verrons.
Soit il nous trahit comme tant d’autres ont su le faire et je quitte enfin cette petite planète désespérante…
Soit il est ce messie annoncé et près de lui ma vie prendra sens.
Pol :
— Le messie, mais oui, mais si!
Mais non ?
Ah, ah, ah !
Jeph :
— Oh…
Je n’ai rien à vous proposer d’extraordinaire ou de divin.
Désolé, Franch.
Pas de paradis ou de monde meilleur avec moi.
Pas l’assurance d’une vie plus belle ou d’un idéal.
Pour cela, c’est auprès de l’Archyeur qu’il est préférable de se ranger. Son projet, finalement, est fort sérieux.
Pol :
— Que veux-tu dire ?
Franch :
— Non !
Traître si rapidement ?
Tu es un champion.
Emma :
— Laisse-le s’exprimer.
Je pense saisir ses propos.
Jeph :
— Oui, merci Emma.
Comprenez la situation : ce que nous offre l’Archyeur est un rêve de paix dans un monde assaini de toutes les idées contraires à sa notion de bien.
Il souhaite, pour nous tous l’accomplissement d’un idéal qui n’appartient qu’à lui : rendre l’humain angélique.
C’est un désir recherché depuis la nuit des temps par beaucoup de chefs charismatiques, souvent religieux.
Pol :
— Mais nous ne sommes pas purs esprits : nous avons un corps…
Franch :
— Notre nature animale.
Jeph :
— Nous avons aussi un cœur !
Emma :
— Oui, tu as raison, Jeph.
Tu parles, je pense, de la philanalyse.
J’avais commencé à aborder cette étude différenciée de notre être. C’était plutôt intéressant, avec une approche humaniste de l’identité respective de chaque être.
Cependant, il n’y a quasiment plus aucune trace de ces travaux.
Pol :
— Aurais-tu trouvé tout cela au Plark du Mont Rouge ?
Franch :
— Pourquoi devrions-nous te suivre ?
Jeph :
— Je n’ai rien demandé !
Pol :
— Si.
Tu as souhaité nous rencontrer et tu affirmes chercher des êtres libres.
Franch :
- Pourquoi ?
Emma :
— Alors, quelle proposition ordinaire de ta part nous donnerait le désir d’être à tes côtés ?
Nous ne savons toujours rien de toi.
Jeph :
— Je vous invite à étudier pour la rencontre, l’écoute, le plaisir de la lecture et jouir de la vie.
C’est pour aller au-delà de vos certitudes et des vérités institutionnelles.
Franch :
— En somme, tu nous façonnerais en disciples de ta propre doctrine !
Jeph :
— Non.
Je ne crois moi-même en rien, si ce n’est en l’instant présent.
J’apprends chaque jour, et chaque jour je découvre un monde nouveau, des êtres différents. Je sense ainsi mon existence.
Aujourd’hui je vous rencontre… quelle joie : je cherche l’humain, à travers sa capacité à aimer.
Pol :
— Dans quel dessein ?
Jeph :
— Celui de vivre.
Franch :
— Vivre ?
Ici je ne connais que des êtres qui veulent à peine survivre… et qui, la plupart du temps, sousvivent !
Emma :
— Tu ne sembles pas heureux cependant ?
Jeph :
— J’ai perdu beaucoup d’êtres aimés.
Pol :
— Morts ?
Jeph :
— Dans un certain sens, oui.
Emma :
— Pour ma gouverne, j’ai davantage à gagner en tentant l’aventure à tes côtés.
Qui est déjà auprès de toi, avec les professeurs ?
Jeph :
— De vraiment sûr, personne, hélas, pour ne rien vous cacher.
Franch :
— C’est-à-dire que tu n’as pas confiance en celles et ceux qui t’entourent ?
Pol :
— Et tu souhaites notre venue ?
Pourquoi ?
Jeph :
— Parce que je vous connais…
Quant aux assurances, cher Franch, je te rappelle que ma vie est dénuée de certitudes…
Franch :
— Quoi ?
Jeph :
— Laisse-moi poursuivre…
Emma :
— Oui, Franch, écoutons-le, cela devient palpitant !
Jeph :
— Merci.
Voilà, je ne suis pas un chercheur biologico-médical.
Je n’ai aucun diplôme de médecine ou de doctorat officiel à vous présenter.
Je ne soigne personne, je ne prétends sauver personne.
J’écoute, j’observe, je donne, je reçois et j’échange.
Ma quête est philosophique et humaniste ; elle n’est surtout pas humanitaire.
Certains membres de la Cité m’ont rejoint par défaut.
Parce qu’ils refusaient les dernières règles édictées par l’Archyeur.
Franch :
— Oh !
Ne me dis pas que…
Jeph :
— Absolument.
Phil et Sako sont bien là, parmi les dirigeants de notre nouveau conseil.
Franch :
— Oui, c’est excellent !
Tu t'entoures de traîtres et tu voudrais que nous te suivions ?
Pol :
— Et toi, ta place dans ce Nouvel Austrel ?
Franch :
— Es-tu le prochain Archyeur ?
Jeph :
— Pardonnez-moi si je vous déçois, mais je n’ai pas le goût à diriger les hommes.
Régner est un leurre : le pouvoir donne beaucoup trop souvent sa légitimité au crime[i].
J’ai repris une place de conseiller du peuple, qui m’était plaisante, avant la Chalystime et la Rumeur.
Franch :
— Deux mots qu'il faudra m'expliquer…
Emma :
— Alors, que nous proposes-tu ?
Pol :
— Oui, quel serait notre rôle, dans cette société sans greffe ?
Jeph :
— Vous pourriez devenir des conseillers, après un temps de recherche, si cela vous agrée… et bien entendu, prendre des responsabilités plus importantes au sein du Nouvel Austrel…
Vous avez aussi la possibilité d’étudier et vivre en quête de votre propre liberté.
Franch :
— Mais pourquoi nous ?
Jeph :
— Parce que je recherche des êtres capables d’aimer !
Et parce que vous êtes là, aujourd’hui, devant moi, désireux de m’écouter.
Nous méritons chacune de nos rencontres, à nous de savoir en saisir le sens[ii].
Emma :
— Tu sembles n’avoir aucun ami.
Pourtant tes idées sont attrayantes.
Je comprends ta réserve pour Phil et Sako, mais tous ceux du Conseil ne sont pas forcément des graines de tyrans.
Jeph :
— Le moindre pouvoir à l'effet d'une drogue, dont il est fort difficile de se libérer.
Surtout que de surcroît, il y a « le salaire du méchant »…
Ma vie est plus compliquée qu’un simple jeu de domination.
Si vous accueillez mon offre, vous découvrirez probablement comment se construisent les légendes et les mythes… Comment l’histoire peut s’écrire, sous différents styles, pour former la mémoire de l’homme.
Il y a celui qui y apparaît, celui qui en disparaît, et enfin, ceux qui n’y figureront jamais…
Qu’est-ce que la vérité ?[iii]
Je refuse de m’en laver les mains.
Nous nous créons un passé
D'autres nous inventent un avenir
Et jamais,
Jamais nous ne savons le pourquoi du temps présent.
Nous-mêmes, par quelques traits, d'une manière habile,
Il nous est possible de peindre
Une image évoquant notre histoire
De mille et cent façons.
Et chacune sera vraie.
Nous osons gommer, accentuer, ajouter, colorer ou griser...
Le résultat doit être crédible et le sera,
Si l'auditoire s'avère réceptif.
La vérité semble être alors
Une accommodation de l'esprit.
Dire la vérité,
Ne serait-ce pas exprimer
Ce que l’autre souhaite entendre ?
Pol :
— Tu t’exprimes comme Tomas.
Jeph :
— Savez-vous ce qu’il est devenu ?
Franch :
— Quoi ?
Tu le connais ?
Il était peut-être la seule personne avec qui je me sentais heureux.
Pol :
— C’est fort sympathique pour nous…
Emma :
— Oui, cela est bien plaisant !
Merci Franch…
Franch :
— Oups…
Oh, pas de crise de jalousie, les amis.
Tomas était ; vous êtes !
Ceux qui ne sont plus entrent naturellement dans la légende, comme l’exprimait Jeph tout à l’heure.
L’amour perdu prend souvent la première place dans nos souvenirs.
Là est le problème…
Oh…
Dis-nous donc : comment peux-tu connaître et aimer Tomas, alors que nous autres ne le quittions guère ?
Jeph :
— Il n’est pas mort, n’est-ce pas ?
Pol :
— Comme Chris, Étian, et d’autres proches… ils sont devenus des zombies, ou plutôt des vivants-morts.
Tous ont été greffés de force, et sont du groupe des futures élites de la Cité, placés à l’instruction au CEI.
Emma :
— Le reformatage systématique et quotidien de leur cerveau, via la greffe seconde, leur fait oublier petit à petit les notions non réglementaires des nouvelles lois de la Cité, dictées par l’Archyeur.
Franch :
— Ils perdent ainsi toute humanité !
Pol :
— Non, pas tout à fait.
Ils acquièrent un mode de pensée différent, où hélas nous n’avons plus place.
Emma :
— C’est bien triste, car leur présence donnait un sens réel à notre existence.
Aujourd’hui, pour les retrouver libres, je tenterais n’importe quoi. C’est pour cela que je mise sur les capacités de tes professeurs.
Les rebelles savent récupérer ceux qui manifestent les symptômes d’une nature réfractaire à la greffe. Mais ils n'ont pas encore les connaissances suffisantes pour les libérer des chaînes qui entravent leur cortex. C’est trop dangereux.
La difficulté est double : outre l’opération, il y a les dégâts spécifiques causés à chacun par la mise en place de la greffe ! C’est difficile à déterminer, et délicat à soigner !
Franch :
— Oui, c’est vrai.
Dis-moi, Jeph… la greffe ôtée, que leur restera-t-il de la mémoire du passé ?
Tomas vivant et libre, soit ; cependant, me trouver étranger à ses yeux me ferait trop souffrir.
Ah… s’il était lui-même, je saurais reprendre le combat aussitôt.
Pol :
— Il est vain, Franch, de lutter contre l’Archyeur…
Jeph :
— Oui, Pol, tu sembles avoir raison.
Pourtant chacun doit donner à sa propre vie le sens qui lui convient.
Emma :
— Ta soif d’apprendre me plaît, Jeph, tout comme ta capacité à ne pas être manichéen.
Tu sembles connaître la sémantique générale, selon laquelle nous ne devons pas penser le monde sur un unique plan réducteur, dans une idée universelle et simplifiée.
C’était la manière idéale de penser selon Chris, avant sa greffe.
La pluripossibilité d’analyses offerte à l’homme était pour lui une des portes à ouvrir pour accéder à la liberté.
Si telle est vraiment ta démarche, dis-nous enfin ce que tu attends de nous ?
Oui, je désire apprendre davantage auprès de toi.
Et qui es-tu donc pour connaître Tomas ?
Jeph :
— Votre principale mission, pour le moment, serait de retrouver les deux frères…
Tomas compte énormément pour moi.
Franch :
— Je partageais tant avec lui, et depuis tant d’années !
Nous ne faisions qu’un.
Rien de l’autre, ou presque, ne nous était caché.
Nous avons tous un jardin secret, soit, mais là, que Tomas m’ait caché ta présence… c’est trop énorme.
Tomas aurait dû m’en parler…
Je ne comprends pas.
Jamais il n’a fait mention d’un être comme toi… et pourtant tu n’es pas banal.
Je ne suis pas jaloux, pourtant là, tu m’intrigues !
Explique-toi enfin…
Pol :
— J’aime les mystères… lorsqu’ils sont révélés.
Je n’ai ni dieu ni maître à ce jour.
Tout devrait se dévoiler avec un peu de temps, de patience, d’instruction… du bon sens et des professeurs de qualité !
Alors, dis-nous tout !
S’il te plaît, Jeph ?
Emma :
— Sommes-nous prêts ?
Apprendre est de l’homme, comprendre ne lui appartient pas.
Croire qu’il est simple et naturel de savoir, est en fait très dangereux.
La vérité ne vient pas d’en haut.
C’est comme cela que les religions se créent, ou d’autres dictatures…
L’homme préfère recevoir des vérités que d’accéder à la liberté de la connaissance.
Franch :
— L’être s’impose de croire en des dieux, en des hommes ou au hasard parce que le néant lui fait trop peur.
Pour ma part, j’ai préféré le dernier choix…
Pol :
— Le néant, Franch ?
Franch :
— Non, Pol…
Quoique !
J’ai choisi la magie du hasard.
C’est — à mes yeux — le moins décevant des chemins de vie.
Tout devient possible.
Je n’ai pas nécessairement besoin d’étudier, je décide pour mon bon plaisir !
J’aime l’aventure et les plus hauts sommets…
Ensuite, je me laisse porter par les vents qui passent…
Je vole plus loin, plus haut… et un jour, je tomberai…
Conte-nous cette étrange histoire, Jeph.
Me voici apaisé.
Je pense être disponible, à l'écoute.
Pol :
— Moi aussi…
Converser sur Tomas nous réjouit toujours et nous réchauffe le cœur.
Nous sommes attentifs, si tu as confiance en nos talents.
Emma :
— Je dirais même plus : si tu nous estimes capables de t'entendre.
Jeph :
— Bien entendu.
Vous comptez tous.
Écoutez cette histoire qui est la vôtre.
Nous, survivants de la Chalystime, désignés comme élus par la religion de l’Austrel, nous avons eu à surmonter les traumatismes liés à cette catastrophe, naturellement “oubliée” par les instances dirigeantes !
Pour les autres, nés plus tard — vous notamment — ces horreurs ont été autonettoyées de vos mémoires, afin de ne pas laisser des souvenirs perturber la bonne marche de la Cité.
C’est pour cela que je suis aujourd’hui un être qui n’existe pas dans les registres ou dans les mémoires informatiques.
Pol et Franch ont pu le constater.
Personne, pas même l’Archyeur, à ce jour, ne saurait expliquer qui je suis.
Franch :
— Waouh !
C’est très fort, invraisemblable pour le commun des mortels… mais je t’écoute attentivement.
Pol :
— Gardons la main !
Emma :
— Je m’accroche !
Jeph :
— Ce n’est pas banal, en effet.
Il y a encore quelques cycles, vous étiez pour moi des amis proches, des êtres chers…
Pol :
— Qui ne te connaissent plus cependant ?
Franch :
— Laisse-le poursuivre, Pol… c’est tellement excitant.
Jeph :
— Oui, merci Franch.
Écoute, Pol…
Il y a une nuance entre l’identification d’un être et la connaissance de ce qui ne se saisit pas.
L’Archyeur souhaitait mettre fin à mon influence — désastreuse à ses yeux — sur le peuple de la Cité.
Il trouvait que ma liberté et mon absence de honte risquait de corrompre la jeunesse[iv].
Il craignait notamment que je puisse participer au développement de la philanalyse, avec les théories sur le principe ternaire de l’humain : corps, cœur, esprit.
Surtout aussi, sa peur était de vous voir prendre conscience de votre capacité à la rencontre, que celle-ci soit narcissique, homophile ou hétérophile.
Emma :
— L'analyse de l'amour humain…
C’est de toi ?
Eh bien !
Jeph :
— Cela constitue la synthèse des travaux que j’ai entrepris à partir de recherches philosophiques inachevées depuis des millénaires.
Je ne prétends pas être l’auteur de découvertes, cependant j'ai eu plaisir à assembler des trouvailles pour partager avec d’autres le fruit de mes études.
Franch :
— J’en ai tant disputé l’idée avec Tomas… J’aurais forcément été informé de la source, si cela avait pu être !
Jeph :
— Bien sûr, Franch, nous en avons discuté, souvent à trois… Tu étais passionné.
Franch :
— Tu te prétends alors capable d’être pur esprit, comme le souhaite l’Archyeur ?
Ou alors es-tu fantôme ?
Simple ectoplasme ?
Jeph :
— Non, non !
Je suis bien de chair et d’os, encore à ce jour !
Détrompez-vous.
Vous allez comprendre ce qui s’est passé, il y a quelque temps de là :
Érik — celui que vous nommez l’Archyeur — recherchait le moyen idéal pour ne pas faire de moi un héros ou un martyr, un dangereux leader pour un peuple de moutons[v], le saint ou le dieu d’une religion nouvelle et dissidente.
C’était le danger le plus probable à leurs yeux si j’étais banni, exilé, emprisonné ou kryfluxiré.
Les légendes et les dieux se créent si vite… parfois plus vite encore que l’oubli…
L’oubli imposé à tous…
Pol :
— Mais nous le saurions, tout de même, si tu avais existé ?
Emma :
— Pas nécessairement.
J’imagine donc que l’Archyeur a préféré user d’un tel moyen afin de te supprimer autrement, Jeph…
Franch :
— Il t'a fait disparaître de nos propres mémoires !
Pol :
— Et de la sienne aussi !
Impressionnant.
Oh… J’essaie d’imaginer ?
Nous aurions eu ensemble une autre existence ?
Avec toi, comme ami…
Un passé où tu étais présent, et dont nous n’aurions plus aucune trace ?
Jeph :
— Hélas. La retouche de photos ou de films n’est pas un sport récent !
Je suis aujourd'hui, au mieux, la Rumeur…
Il n’y a plus rien en vous pour remémorer ces moments merveilleux, sinon peut-être quelques bribes de souvenirs que vous avez de Tomas... à travers vos rêves.
Hélas.
Après une arrestation, une suite de procès aux jugements iniques, j'ai subi ce qui me semble le pire pour un vivant : être oublié !
Emma :
— Elle est donc là.
Oui…
C’est bien elle. Je perçois mieux la source de cette tristesse. C’est un voile qui traverse ton regard, et qui me touche au cœur.
Tu as perdu tout ton passé, et notre mort aurait certainement été préférable à cette ignorance pesante que nous t’imposons malgré nous.
Franch :
— C’est atroce.
Cette souffrance doit être insupportable.
Étrange…
Oui…
Sache une chose surprenante que je ressens depuis notre rencontre : dans ma chair, je ne pense pas t’avoir oublié…
Nous avons probablement dû nous aimer à corps perdu !
Pol :
— Pour moi, c’est davantage le cœur qui semble s’exprimer.
Comme s’il raisonnait pour me rapprocher d’une histoire merveilleuse, d’un amour sincère… qui m’invite notamment à rechercher des livres anciens.
Emma :
— Corps et cœur !
C’est exact…
Je perçois aussi beaucoup de faits inexplicables par l’esprit.
Si notre mémoire cérébrale a bien été autonettoyée de ta présence, le rappel de nos souvenirs révèle par l’exemple tes théories sur l’aspect ternaire de notre être.
Notre rencontre ne se réalise pas uniquement dans le sens de ta propre quête.
Nous aussi, inconsciemment, étions dans le désir de te chercher.
C’était certainement cet espoir étrange d'un amour à recouvrer, qui nous invitait à ne pas abandonner la lutte !
Et enfin, nous te trouvons.
Pol :
— Oui !
Nous t’avons retrouvé !
Franch :
— Absolument.
Je comprends maintenant.
Donne-nous alors ton vrai nom…
Et ta réalité vis-à-vis de Tomas, explique-nous ?
S’il-te-plaît ?
Pol :
— Nous sommes au niveau cérébral, dans le vide total d’une présence, et pourtant je crois fermement à tes dires.
Oui…
Qui es-tu Jeph ?
Jeph :
— C’était il y a si peu de temps.
Avant de disparaître soudainement, j’étais l’un des conseillers coordinateurs des États Réunis.
Je vous en ai déjà conté la genèse.
Avant la Chalystime, avec Bruno, nous tentions de trouver une possibilité humaniste afin de donner un sens à la vie dans cette civilisation à l’agonie.
Je me nommais Yeph… et Tomas était mon frère jumeau.
Franch :
— Yeph ?
Jumeau de Tomas ?
Vous n’avez pas le même âge…
Yeph :
— Même ovule, fécondé et dédoublé, mais porté à une époque plus récente pour lui.
Pol :
— Je comprends tout.
Emma :
— Je te crois.
Ce passé interdit, lavé de nos mémoires, ne nous condamne pas à bâtir un présent nouveau.
Souhaites-tu construire avec nous un avenir ?
Es-tu capable de supporter sans trop souffrir notre absence de souvenirs ?
Franch :
— Oui… sauras-tu encore nous aimer ?
Nous avons tout à apprendre de toi.
Je pense cependant que les forces du corps et du cœur peuvent être plus puissantes que le vide imposé à notre esprit.
Pol :
— Je me souviens d’une lecture, dans un livre à l’index.
L’on relatait une théorie originale sur la capacité mémorielle de nos cellules.
Selon son auteur, la vision cauchemardesque de dragons, ou autres monstres fantasmagoriques en nos rêves, serait le souvenir ancré des dinosaures et des volcans.
Emma :
— Ils auraient disparu des millions d’années avant notre apparition sur cette petite planète ?
Franch :
— C’est exact… Cela figure dans l’histoire officielle que l’on a façonnée pour notre instruction !
Nous existions peut-être déjà bien avant ce qui nous est raconté.
Des peuples évolués aujourd’hui disparus dans des cataclysmes ou des guerres…
Les civilisations savent si bien s’exterminer.
Parfois nous devons tout recommencer à apprendre… comme si toute connaissance était effacée !
Pol :
— En effet.
Cependant, humain ou pas, même si nous n’étions à l’époque des dinosaures que de malheureux petits lézards en attente d’évolution, l’être que nous étions a pu photographier dans ses gènes cette terreur soudaine.
Se retrouver face à face avec un gros vilain, genre Tyrannosaurus rex, cela ne s’oublie pas !
Emma :
— Ah, ah !
Des millions d’années après, oui, je constate que nous sommes capables de nous remémorer ces quelques frayeurs !
Aujourd’hui, Yeph, avec toi, il semble que le temps soit venu de faire jaillir les plaisirs de notre mémoire abîmée…
Le temps retrouvé, en somme.
Yeph :
— Cette étude dont tu as lu certains extraits faisait partie de mes recherches.
Peut-être que votre retour dans mon histoire me permettra de valider d’autres parties de mes travaux.
Franch :
— Ce sera avec plaisir, mon cher Yeph.
Emma :
— Oui, Yeph, nous allons t’aider à te retrouver en nous.
Pol :
— Ensuite, il va falloir s’attaquer sérieusement à Tomas, à Chris et aux autres.
Cela sera certainement plus difficile, car nous ne connaissons pas les effets de la greffe sur le cœur et sur le corps.
Franch :
— Tu peux compter sur nous tous.
Pol :
— Maintenant, tu es de nouveau Yeph et l’aventure continue sous une nouvelle étoile.
Yeph :
— Merci les amis.
Je crois en vous.
Nous avons cependant à nous protéger des incrédules et des jaloux.
Vivons pour le moment, cachés de celles et ceux qui ne peuvent pas comprendre notre bonheur.
Il est préférable peut-être que je reste encore Jeph pour beaucoup.
[i] Merci à Louis Antoine de Saint-Just, qui aurait pu être un formidable éducateur s'il n'avait pas pris un pouvoir qu'il savait injuste.
26 ans, c'est tôt pour mourir… il avait des idées remarquables, qui n'ont pu nous parvenir que dans leurs germes, hélas.
[ii] Merci à François MAURIAC pour cette belle citation qui ouvre à la question : « Nous méritons toutes nos rencontres. Elles sont attachées à notre destinée et ont une signification qu'il nous appartient de déchiffrer ».
[iii] Merci à Ponce PILATE. Ah, qu'il est facile de se laver les mains pour ne pas se sentir coupable ou responsable… Ponce PILATE est le saint vénéré des politiciens dans la lignée de Laurent FABIUS et de ses collègues !
[iv] Merci à PLATON qui nous présente SOCRATE — son professeur peut-être imaginaire… projection de lui-même — comme le corrupteur de la jeunesse athénienne. PLATON a-t-il été revisité par les moines copistes autant qu’ARISTOTE, pour que les contradictions philosophiques soient aussi grandes entre ses écrits ?
[v] Merci à Albert Einstein, cet être éveillé qui su dire que « pour faire partie d’un troupeau de moutons, il faut nécessairement être un mouton ».
Et
merci aussi à toutes celles et ceux qui m'ont édifié
ou déçu dans la rencontre…
L’essentiel, c’est d’apprendre,
sans nécessairement comprendre !
Enfin,
un merci du cœur, de l'esprit et du corps,
tout particulièrement adressé :
à Olam,
Jean-Philippe,
Cyril,
Nicole,
Raphaël,
Yvane
et Jules…
pour leur précieuse aide à parfaire cette œuvre…
Tous droits réservés :
Yves Philippe de FRANCQUEVILLE ©
yvesdefrancqueville@yahoo.fr
Montpellier 2016.
merci aussi à toutes celles et ceux qui m'ont édifié
ou déçu dans la rencontre…
L’essentiel, c’est d’apprendre,
sans nécessairement comprendre !
Enfin,
un merci du cœur, de l'esprit et du corps,
tout particulièrement adressé :
à Olam,
Jean-Philippe,
Cyril,
Nicole,
Raphaël,
Yvane
et Jules…
pour leur précieuse aide à parfaire cette œuvre…
Tous droits réservés :
Yves Philippe de FRANCQUEVILLE ©
yvesdefrancqueville@yahoo.fr
Montpellier 2016.
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Fin de la treizième et dernière partie.
Extraire de l'ensemble de cette œuvre, une phrase sortie de son contexte, afin de polémiquer… ce serait un acte impensable… sauf peut-être dans l'univers désolant du monde journalistique… Alors, s'il devait arriver l'insupportable, l'auteur décline toute attaque, puisque ses écrits ont sens dans leur intégralité !
Fin de la treizième et dernière partie.
Extraire de l'ensemble de cette œuvre, une phrase sortie de son contexte, afin de polémiquer… ce serait un acte impensable… sauf peut-être dans l'univers désolant du monde journalistique… Alors, s'il devait arriver l'insupportable, l'auteur décline toute attaque, puisque ses écrits ont sens dans leur intégralité !
Auteur : Yves Philippe de Francqueville