• Préambule
  • Cycle de l'Austrel
    • Tome premier : Souvenir d'un amour >
      • Première partie
      • Deuxième partie
      • Troisième partie
      • Quatrième partie
      • Cinquième partie
      • Sixième partie
      • Septième partie
      • Huitième partie
      • Neuvième partie
      • Dixième partie
      • Onzième partie
      • douzième partie
      • Treizième et dernière partie
      • Notes philosophiques
    • Tome second : Notre Sauveur
    • Tome troisième : Comme une abeille hors de sa ruche… >
      • Première partie
      • deuxième partie
      • Troisième partie
      • Quatrième partie
      • Cinquième partie
      • Sixième partie
      • Septième partie
      • Huitième partie
      • Notes philosophiques
    • Tome quatrième et dernier : La mort de l'Archyeur
  • Solitude étrangère
    • Table des poèmes du recueil Solitude étrangère, écrit par Yves Philippe de Francqueville >
      • Vérité, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • MAMAN, acrostiche extrait de Solitude étrangère, poèmes de Yves Philippe de Francqueville
      • Pardon, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • C'était Hier, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Je suis seul à rêver, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Lumière, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Tempête de nuit, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Sourire, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Ton doux visage, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Puisque tu m'aimes, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Regret, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • La route monotone, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Reflet, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • J'ai aimé ton regard, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Je ne suis pas Rimbaud, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Montagne et solitude, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Solitude et ennui, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Souvenirs, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • L’ange, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • L’amant, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Folie, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Révolte, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • L’orage, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Vous n'êtes que du vent… un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Déraison d'un poète malade… un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Hommage, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Artiste, lève-toi ! Un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Vivre jour après jour, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • La Lune, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Quand l'ombre gagne… un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • La fin du jour, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Laisse-moi te donner… un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • L'adieu, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • L'image, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • L'hérédité de la Genèse, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • L’audacieux, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Le grand inquisiteur, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Alors, je suis moins seul… un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Si j'écrivais l'Histoire, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Amertume, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Je l’ai vu s’en aller… un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Mon heure aussi viendra, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Mémorial, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Création, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Le Vagabond, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Rappelle-toi ces jours…un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Présence, une chanson de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • La coupe était si belle, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Pourquoi m'as-tu quitté ? Un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Doutes… un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Dilection, un poème de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Le grand combat des anges, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Encore quatre jours, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • L'envol, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • L'exilé, extrait de Solitude étrangère, poèmes de Yves Philippe de Francqueville
      • Misère, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • J’avais besoin de toi… un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Je retourne au néant, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Liberté, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Solitude, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Innocence, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Mon dieu guérit, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Dieu guérit, acrostiches de Solitude étrangère, par Yves Philippe de Francqueville
      • Paradis, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Petit homme, une chanson de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Impromptu, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Le retour, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Espérance, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Victoire, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Narcisse, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • L’oiseau gris, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Le cygne, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Peut-être aurai-je un soir… un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Départ, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Regard d'amour, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
      • Jolie dame, un poème de Solitude étrangère par Yves Philippe de Francqueville
  • Enfance, Amours et Sexualité
    • Être enfant dans le monde
    • Dis papa, dis maman… C’est quoi un pédé ?
    • L’humain et son besoin de rencontres ?
    • On développe un peu… Femmes, hommes… Qui sommes-nous ?
    • Plaisirs et dangers…
    • En conclusion, pour le quotidien…
    • PETIT LEXIQUE original et libéré, sur la vie et la sexualité !
  • Troisième acte
    • scène première
    • scène seconde
    • scène troisième
    • scène quatrième
    • scène cinquième
    • Scène sixième
    • scène septième
    • scène huitième
    • scène neuvième
    • scène dixième
  • Quatrième acte
    • Lettre ouverte aux vivants, par Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
    • Un Article d'un journaliste, oui, dont je ne puis plus citer le nom en raison de procédures judiciaires nouvelles à mon encontre décidées par lui-même en relecture par Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
    • Un second Article d'un journaliste, oui, dont je ne puis plus citer le nom en raison de procédures judiciaires nouvelles à mon encontre décidées par lui-même, du Midi libre en relecture par Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
    • Troisième article d'un journaliste, oui, dont je ne puis plus citer le nom en raison de procédures judiciaires nouvelles à mon encontre décidées par lui-même vs Yves Philippe de FRANCQUEVILLE
  • Sites et blogs…
Yves Philippe de Francqueville, mémoires d'un pirate
Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste, présente en ligne le Cycle de l'Austrel, tome troisième : Comme une abeille hors de sa ruche… Tous droits réservés ©










SOURIRE



L'attendant plein d'espoir, je le vis revenir
Légèrement guidé d’une baguette blanche ;
Et ce sourire et cette voix : le souvenir,
Souffle sur mon automne un bel air de revanche.

Comment ne pas songer à ces amours perdues :
S'enlacer, s’enivrer, le serrer dans mes bras ?
Pourquoi ces peurs aussi, lumières défendues…
De nous trouver soudain couvert des mêmes draps ?

Côte à côte, échangeant nos désirs, nos idées,
Nous avançons joyeux, nous tenant par la main.
Au cœur du paysage embrumé des ondées,
Ce pas de non-voyant me semble plus humain.

C'est si doux de s'aimer pour être ainsi tous deux :

À fredonner ensemble, enivrés d’un parfum.

Moi j'ose lui conter la nature des yeux,
Lui me laisse rêver des bruits, des arômes,
Que je ne peux pas voir et qu'il saisit bien mieux.
Nous vivons de nouveau nos grands plaisirs de mômes.










Chris : - Mais quelle était finalement sa position au sein de l’Austrel ?

Emma : - Aucune, en réalité, Chris !
Plus la société s’élaborait, plus il s’en éloignait.
Il restera dans la mémoire de notre Cité et des Bases comme — en quelque sorte — l’étrange conseiller que l’on ne peut pas consulter.
Il semble avoir été le parfait anarchiste — être rare — sans loi ni foi, capable de vivre presque librement et en paix hors des conflits de pouvoir de nos civilisations guerrières.
Sa force fut de réussir à s’y fondre sans gêne, tant que certains principes de la nature humaine n’étaient pas remis en question.

Chris : - Étrange situation.
Pourquoi a-t-il agi ainsi ?

Emma : - Son souci sera toujours la liberté.
Il est en quête d’un sens…
Cela se résume en une question : qu'est ce que la vie ?
Perdu dans l'absurde de notre finitude, à travers l'infiniment grand et l'infiniment petit, il s'inquiète de ne pas savoir définir la place de l'homme sur cette planète…

Chris : - Et alors ?

Emma : - Le voici parti à l'aventure sur tous les océans de nos questions et de nos doutes, à la recherche de l'amour !
Il étudie donc — par la rencontre — l'humain dans sa capacité à aimer… et il se veut le premier à vivre cette analyse !
Il espère pouvoir un jour aimer sans contraintes, bien au-delà des censures… et surtout de la sienne.

Chris : - Est-ce réalisable sans danger pour soi ou pour l’autre ?
Nous avons nécessairement besoin de saisir nos limites.

Emma : - Annoncer un acte comme défendu c’est préparer la désobéissance future.
Nous espérons face à l'interdit, une providence supérieure pour nous protéger de nous-mêmes… mais il n'a de sens, que lorsque nous sommes forts dans nos certitudes… lorsqu'il n'y a aucun danger de résistance.
Hélas… à la moindre faiblesse, nous risquons de violer la loi en faisant exploser cette barrière d'illusions.
Supplier un dieu ou un maître de ne pas nous soumettre à la tentation[i] c'est fermer les yeux devant l'envie, c'est poser une serrure au garde-manger… c'est voiler la femme qui pourrait nous séduire.
Implorer de ne pas nous laisser succomber à la tentation — même si cela nous rappelle notre état d'homme fragile devant la transgression — est déjà plus noble… mais est-ce encore croire en une puissance divine qui nous protège ?
Non !
C’est un leurre pour nous punir d’interdits transgressés… Ils sont fabriqués de toutes pièces pour nous affaiblir dans notre désir d’être libres et heureux.
Qui peut prétendre être juge ?
La loi existe donc pour justifier la sanction devant la faute au nom de droits et de devoirs du moment[ii], c’est-à-dire l’arbitraire.
En effet, lorsque la raison s'affaiblit : si elle laisse les sentiments et aussi le corps prendre ou reprendre leur place, dans la rencontre humaine… la catastrophe annoncée a lieu !
Qui veut faire l'ange, fait la bête[iii]… Cela peut mettre parfois du temps, mais il finira par dévoiler son corps de pulsions, dès qu’il baisse sa garde.
Malheureusement, le peuple est éduqué par ses pères de manière à ne pas connaître cette maxime.
Après le drame, devant l'incompréhension des faits, il y a naturellement inversion des rôles ! La proie est souvent désignée comme coupable[iv]… puisque l'auteur du crime a été éduqué selon un principe indéfectible : le mal seul peut faire dévier le croyant de la bonne route.
La transgression vécue sous le regard d'un puissant nous force à clamer l'innocence, et les avocats sont trop souvent là pour relativiser la tragédie en reportant la faute sur la victime.

Chris : - Aurais-tu une autre solution plus constructrice ?

Emma : - Il semble plus judicieux d’avoir des règles du jeu. 

Chris : - Où se trouve la différence avec l'interdit ?

Emma : - Nous sommes ensemble, avec nos différences.
Chaque être peut s'adapter à l'autre, et modifier son mode de vie dans le respect et la considération des valeurs partagées.
À condition bien entendu d’accepter cette dimension dédramatisante : il s’agit d’un jeu… où il n’y aura rien d’autre à gagner que le plaisir de rencontrer l’autre.
Quelques règles communes décidées ensemble comme par exemple :
Ne pas s'abîmer…
Ne pas abîmer l'autre…
Et vivre libre…
Pour aimer !

Chris : - Nous sommes nombreux dans ce monde !
La liberté personnelle peut vite devenir une insupportable, voire une insoutenable légèreté de l’être… plutôt déstructurant pour les autres[v].
Nous pouvons même — sans le savoir — blesser l'être aimé par des actes que nous trouvons innocents.
Le cynisme par exemple est destructeur.
La société nous impose intelligemment des mesures strictes de bonne morale.
Nous baignons nécessairement au milieu des totems, des tabous et des hontes réglementaires…

Emma : - Qui nous handicapent dans la rencontre…

Chris : - Je dirais plutôt qu'ils nous protègent !
L'éducation du CEI nous a construit avec des certitudes à l'opposé de celles que tu m'apprends.
J'ai à la fois le désir d'aller vers ces nouvelles découvertes et je panique en même temps face à ces terres inconnues : et si c'était une folie ?
Où est la vérité ?
Comment Yeph réussit-il à ne pas subir les carcans qui nous furent imposés, tout en ne tombant pas dans les terribles pièges de la vie ?

Emma : - Ah…
Tu as toujours en toi ces démons apprivoisés qui te furent offerts pour façonner tes peurs…

Chris : - Oui…
C’est vrai.
Et je ne peux pas me convaincre — malgré tes propos — que Yeph puisse avec intelligence, abolir les lois concernant certains interdits.
L'inceste, par exemple…

Emma : - Ah, je l'attendais celle là, toujours présentée à l’extrême…

Chris : - Tu me donnes donc raison…

Emma : - Les plus farouches opposants à cet amour complexe furent — d'après les témoignages retrouvés — des pratiquants assidus[vi] !

Chris : - J'en doute.
Nous n'étions pas là pour filmer les scènes.
Mais toi… Emma ?
Tu es contre j'espère ?
Dis-moi…
L'inceste est bien inacceptable ?

Emma : - Sincèrement, je ne suis pas pour.
Maintenant, saurions-nous tout comprendre de l'amour ?
Oh… attention… J’ai bien dit « amour » et non violence, domination, massacre…
Je ne parle pas bien entendu du viol : de cette triviale poursuite, où la bestialité d'un géniteur se dévoile pour sa progéniture[vii]… c'est dans ce cas une faillite dramatique dans l'évolution… un retour aux pulsions primitives.
L'adulte était-il malade, impuissant, fruste, méchant, stupide ou imbécile ?
Il n'a pas été protégé de ses actes… et le drame est consommé.
De cela, il n'y a rien à dire… Je préfère les larmes.
Voyons maintenant l'hypothèse d'une relation platonique entre un enfant et l’un de ses géniteurs…

Chris : - Donc sans sexe…

Emma : - Pas tout à fait, Chris !
Une relation platonique — dans le sens socratique — c'est une rencontre harmonieuse où il n'y a ni dominant ni dominé: pas de maître et pas d’esclave…

Chris : - C'est une approche intéressante…

Emma : - Oui, nous en reparlerons…
Alors, pour comprendre pourquoi je ne suis pas pour, quant à l'inceste… cette question se pose : est-ce possible dans cette rencontre — trans ou intergénérationnelle — qu'elle soit platonique ?
Je ne sais… mais je pense que cet amour risque d'être plus souvent une source destructrice plutôt que l'annonce d'un bonheur partagé.
Oui, il y a ces amours trop grandes, où l'enfant souffre… comme le parent.
Qu'il y ait juste l'esprit ou seulement le cœur en démesure… et déjà les troubles s'annoncent.
Alors, lorsque les corps s'en mêlent… le résultat m'inquiète sérieusement.
Attention, pour la place du corps, je suis convaincu de l’impossibilité d’une rencontre platonique si l’un des deux êtres est nubile et pas l’autre.
Enfin, si c’est le cas, même si certaines grandes dames du passé ont étrangement glorifié leurs amours incestueuses[viii], je ne suis pas rassurée par cette éventualité.
Tout reste pourtant possible, et pourquoi pas pour le meilleur ?
Dans la découverte homophile — comme hétérophile — il y a peut-être aussi la différentiation à saisir entre amour et initiation… au sein d'une fratrie par exemple[ix].
Dans la nature végétale et animale, l'inceste est généralement provoqué dans un principe de survie de l'espèce, ou par pur instinct pulsionnel surtout lorsque l’animal est apprivoisé ou prisonnier.
Pour la race humaine, la consanguinité est paraît-il source de dégénérescence mais mes compétences sont encore limitées dans ce registre, pour t'en donner quelques preuves certifiant ces dires.
Voilà… J'ai pu beaucoup discuter de cela avec Yeph — à sa demande — afin de lui expliquer la nature de la femme notamment…
Je pourrais poursuivre encore si tu le souhaites !

Chris : - Oh merci Emma…
Alors je comprends mieux Yeph !
Il utilise les expériences des personnes croisées — dont toi — afin de nourrir sa connaissance…
Tu es passionnante !

Emma : - Merci, de même…
L'écoute de l'autre, dans un échange sincère et respectueux, enrichit mutuellement.
Je crois que Yeph a retrouvé — par ses recherches continues de la petite histoire de l’humanité — quelques portes oubliées.
Diogène de Sinope, dont tu parlais avec l'école des Cyniques, ne s'est pas fourvoyé dans sa philosophie.
Tu devrais prendre le temps d’étudier davantage, en esquivant les intermédiaires politico-religieux.
Yeph nous ouvre de nouveau les sentiers aux essences parfumées de la connaissance… bien loin des autoroutes édulcorées d’un savoir prémâché et prédigéré !
J'ai découvert avec lui des chemins qui enchantent et qui nous invitent à jouir de l’instant.
Son audace est d’aller à l’origine d’un fait, sans se laisser bercer par d’indéniables conséquences trompeuses.
Il ne s’arrête pas devant les vérités étatiques… bâties par des millénaires de tromperies…
Cela lui permet de dévoiler certaines illusions !

Chris : - N’a-t-il plus de peurs ?

Emma : - Ah !
Les peurs…
Yeph reste hypocondriaque.
Il a notamment toujours le vertige, malgré son plaisir de la montagne.
Il est encore pétri d’angoisses, de questionnements absurdes…
Pourtant, ce qui semble le situer hors de la société, c’est qu’il n’a quasiment plus peur de ses peurs !

Chris : - Donc plus aucune puissance n’a rang sur lui, qu’elle soit dite divine ou morale… policière, démocrate ou imposée?
C'est formidable d'apprendre afin de savoir s'éloigner de la peur qui reste l’outil majeur de l’autorité…

Emma : - Ce jaillissement hors du monde des soumis — loin des esclaves enchaînés au fond des cavernes — se construit par sa recherche non-aristotélicienne[x].
C’est par cet état que l’homme libre s'édifie, selon lui.
Le chemin est encore fort long avant d’espérer voir nos pareils choisir le droit de penser par eux-mêmes, sans déléguer à un dieu, un juge, un roi, un président ou autre Archyeur, une quelconque responsabilité de leurs propres actes.
Avant la Chalystime, l’humain s’est contenté de survivre pendant de longues périodes, dans l’espérance d’un Sauveur…
On attendait, on suppliait le salut, la gloire, la paix, l’immortalité…
Chacun jouait chaque jour à la grande loterie de la vie[xi] sa place de pion, au cœur des rouages huilés de sociétés triviales, rivalisant de créativité sur des modes économiques et religieux, formés par d’autres, et poursuivis par leurs descendants.
Au milieu de cette foule de moutons sages — tant que le pain et les jeux étaient fournis en suffisance — vivaient discrètement des êtres comme Yeph, toi, ou moi…
Aujourd’hui, une place d’Archyeur ne serait pas plus honteuse que celles offertes par le biais de la démocratie à d’autres tyrans, jusqu’au Grand Jour !
Pendant des millénaires, à tour de rôle, ces maîtres — dominus — se sont toujours présentés comme œuvrant pour notre bonheur, à la recherche d’une vie meilleure...
Le plus risible, c’est que certains, encore aujourd’hui, comme Sako ou Phil, agissent avec le sentiment d’être les porteurs d’une noble cause : les nouveaux sauveurs sont comme les lessives qui lavent plus blanc que blanc[xii] !

Chris : - Alors pourquoi cette révolte contre Érik, puis maintenant contre Phil, Sako et leur Nouvel Austrel ?
Yeph pouvait poursuivre son existence sans être remarqué, et rencontrer ses pareils, en soif de beau et de plaisir… à la recherche de la connaissance !

Emma : - Hélas…
Ce n’est pas contre l’Archyeur et son Grand Conseil qu’il s’est révolté…

Chris : - Là, Emma, je ne te suis plus.
Yeph s’est battu contre un tyran...

Emma : - Est-ce normal de combattre le chef qui désire vous aider ?

Chris : - Non…
Mais l’Archyeur ne voulait pas notre bien.

Emma : - Mieux que cela, Érik pensait qu'il était dans son droit et qu'il ne faisait que son devoir, lorsqu'il à voulu nous imposer le bonheur !
Érik était sincère et sûr de lui… en annonçant la greffe seconde pour tous !

Chris : - Et Yeph l'a combattu…

Emma : - Ce fut en fait une lutte vaine, contre un danger sécuritaire !
La situation devenait critique dans la folie politique à vouloir imposer le "risque zéro".
Il n’a pas pu accepter que le choix du bien et du mal soit inhibé par une greffe cellulaire...
Le corps, le cœur et l’esprit des hommes, gérés par des ordinateurs et des molécules chimiques… c'est inacceptable !
Cela nous conduit à la perte de notre humanité…

Chris : - Je pensais que Yeph était contre l'autorité de l'Austrel…

Emma : - Voilà ton erreur.
Yeph ne souhaitait la guerre à personne.
Il était le plus souvent en dehors du système… cependant, il savait y respecter sincèrement — au mieux — les lois de l'Austrel.
Oui, lorsqu'il était de passage dans le monde… il était le caméléon, scrupuleux des croyances et des interdits… sans perdre sa couleur originelle !
Sa vie cependant ne se construisait pas au sein de la Cité où il ne se rendait que de plus en plus rarement.
Il y avait avant le Grand Jour, quelques Zones Autonomes bâties sur des terres oubliées depuis la Chalystime.
Là-bas, les valeurs[xiii] avaient force de loi sur la morale.
Yeph les savait temporaires[xiv]…

Chris : - Les Bases ?
Mais pourquoi définissait-il ces Zones Autonomes, de Temporaires ?
Elles existent toujours…

Emma : - Oui… et non !
Ce fut un échec… selon ses propres termes, car il avait oublié que pour vivre libre, il faut être armé[xv]…
Dans ces espaces de liberté, régulés par une hiérarchie horizontale, l'arrivée de Phil, de Sako et de quelques autres binaires… a corrompu les règles du jeu où chacun devait donner le meilleur de lui-même.
Les Bases sont maintenant de petites Cités…
Je crois qu'elle n'existe pas, la société idéale !

Chris : - Je préfère cependant la vie sur les Bases plutôt que celle imposée dans la Cité…

Emma : - Faut-il donc se limiter au moyen, au médiocre ?
Devons-nous nous résigner ?

Chris : - Si c'est impossible… nul n'est tenu d'entreprendre !

Emma : - Et pourquoi ne pas oser l’aventure, face à ce qui semble irréalisable ?

Chris : - À quoi bon, si c'est pour perpétuer l'échec ?

Emma : - Et pourtant ?
J'aime les défis.
L'imaginaire et l'audace nous entraîneront peut-être un jour vers la lune ou les étoiles.
Voir l'homme évoluer, apprendre, découvrir… l'idée me plaît toujours…
Yeph cherche encore… alors que d'autres pensent avoir trouvé !
Le souhait, le rêve de ce cher Érik, avec le Grand Conseil réuni… était de donner à l’homme — errant depuis la Chalystime — l’occasion d’être heureux, de vivre dans le bonheur.

Chris : - Ils n'ont pas réussi…

Emma : - Ils sont absolument persuadés d'y arriver !
Yeph a combattu leur proposition issue d'une recherche ciblée… et peut-être intéressée ?
Aussi, selon leurs récentes analyses... la source des souffrances est la présence du mal.

Chris : - Ôtons-le, et l’humain sera heureux...
Cela se tient.

Emma : - Et de quel droit ?
Qu'est-ce le mal… et le bien ?
Cela veut dire quoi : être heureux ?
Cela serait trop simple d'en faire un générique breveté par Érik.

Chris : - Explique-toi ?

Emma : - Explique-moi ?

Chris : - Hum…
Oui, tu as raison Emma.
J’acquiesce à tes propos.
Au regard du monde qui m'entoure, je me trouve unique… différent… avec ma personnalité !
Nous ne sommes pas en mesure de penser pour les autres : ce que tu aimes, n’est pas nécessairement dans mes goûts.

Emma : - En effet… il n'y a pas de règle commune au plaisir, au bonheur.
La joie ne se mesure pas, la tristesse non plus
Je ne crois pas que ce qui est bien pour toi l'est nécessairement pour moi, ou pour un autre.
Oui… tu dis vrai sur notre unicité.
Et le bien ?
Et le mal ?
Que pouvons-nous proposer d'autre ?

Chris : - Il y a forcément des absolus à rejeter, comme donner la mort…

Emma : - Et tu te nourris comment, toi le grand carnivore ?

Chris : - Tu abuses, Emma…
Ce n'est pas parce que tu es végétarienne, qu'il faut stigmatiser celles et ceux qui aiment la viande !
Sérieusement, je pense qu'il est impossible de cautionner l'acte de tuer son prochain !
Et même si tu m'as offert une superbe démonstration avec l'inceste, sur la prudence et le questionnement face à un jugement hâtif… il y a d'autres interdits qui me semblent nécessaires à respecter comme…

Emma : - Ah…

Arrête-toi vite avant de déraper sur cette pente glissante, mon cher Chris !
Une loi a-t-elle une légitimité lorsque des exceptions sont reconnues ?

Chris : - Bien évidemment, Emma : l’exception confirme la règle, c’est le fondement de nos lois.
Il y a aussi les mathématiques… mais là, nous parlons de la mort… entre humains !
C’est vraiment à interdire.

Emma : - Les mathématiques construisent leur légitimité sur des axiomes qui ne sont pas des vérités.
Il n’y a pas de sciences exactes[xvi].
Maintenant, l’art de donner la mort est un sport trivial en usage depuis la nuit des temps.
Tuer un animal pour se nourrir, c’est déjà être dans le sang et les larmes…
Beaucoup d’hommes combattent à donner la mort, lorsqu'un pouvoir s'estime plus légitime qu'un autre !
Nous sommes dans l’absurde.
C'est aussi justifié par certains — ce massacre entre humains — pour développer la religion idéale ou pour accroître puis protéger un territoire…
La mort est glorifiée ou réprimée selon la parole choisie du maître ou du dieu.
Aujourd’hui, dans les arènes, la foule est toujours enthousiaste… même si c'est plus souvent le taureau qui est mis à mort…
Lors des exécutions publiques, l'on arrivait de loin pour voir une tête tomber ou un corps se balancer au bout d'une corde!
La jouissance face à l'horreur est encore d'actualité…
Aux nouveaux jeux olympiques, le duel au pistolet comme le tir aux pigeons vivants furent validés un temps… en souvenir des gladiateurs qui saluaient en annonçant leur mort probable[xvii]… pour le plaisir des spectateurs.
Après, au-delà du jeu… il y a ces parties fines où nous avons tous la chance d'être acteurs pour sauver une nation, ou mourir pour une religion ou des idées qui ne sont pas nécessairement les nôtres !
La mort, la mort s'annonce toujours comme la solution… et les médailles sont distribuées !
Et pour ce qui est de la considération des animaux… c'est peut-être la première règle à étudier afin d'analyser le comportement humain ?
Oui, ceux qui n'éprouvent pas de respect pour la nature, ceux qui ne s'inquiètent pas du vivant, quel que soit la plante ou l'animal… ceux-là sont préparés au pire : il est donc fort aisé de les inviter à tuer leurs semblables !
Alors, mon ami, lorsqu'un dieu voudrait m'imposer un superbe « Tu ne tueras point[xviii] »… et que j'apprends qu'il préfère l'holocauste du chasseur au présent moins ensanglanté du cueilleur[xix]… j'ai quelques doutes sur l'intégrité de la loi !

Chris : - As-tu une autre solution que l'interdit général ?
Même s'il est souvent bafoué, il permet un certain équilibre… après, dans la sphère interpersonnelle, je crois qu’il convient d’éduquer l’autre à avoir du cœur ?

Emma : - Peut-être doit-ont se contenter d’un équilibre… pour être entraîné dans la chute aussitôt qu'une faille se présente ?
Non.
Je préfère rechercher une harmonie.
Pour notre survie, par exemple, certains peuples savaient remercier la nature de ses dons… sachant que le cycle du vivant veut que nous soyons mangés… ou dissous à notre tour, dans la terre nourricière !
Aujourd’hui, l’humain peut espérer la vie.

Chris : - La loi protège tout de même les hommes de leurs propres folies, de leurs faiblesses…

Emma : - Pour qu'une autre loi leur impose d'aller à la guerre en d'autres lieux, en d'autres temps ?
On les oblige à obéir et parfois à tuer — au nom d'un idéal — sous peine… de mort ou d’accusation de trahison ?

Chris : - Tu as raison — je te l'accorde — devant une autorité qui ne respecte pas ses propres lois c'est odieux… mais imaginons un pouvoir honnête et légitime… face à celles et ceux qui sont en conflit ouvert…
Que proposes-tu pour les êtres qui ne veulent pas vivre ou qui rejettent tout ?

Emma : - Nous avons tous une certaine capacité à l’écoute, dans le souci d’apprendre.
L’humain peut aussi choisir de ne pas grandir pendant un certain temps, et laisser l’autre évoluer s’il lui plaît.

Chris : - Et s’il ne veut vraiment pas progresser ?
S'il est dangereux pour lui-même ou pour les autres ?
Faut-il le laisser périr ?
Ne doit-on pas prévenir le risque ?
Ne peut-on pas lui montrer que c’est dans son intérêt ; que c’est pour son bien ?
Il est parfois nécessaire d'agir dans la prudence.

Emma : - Et jusqu'à quelle limite ?
Voilà ce que Yeph redoute le plus, cher Chris !
À vouloir le risque zéro, nous avons vu petit à petit refleurir les lois de l'ancien temps qui proposaient d'enfermer des jeunes enfants jugés potentiellement capables de nuire à la société…

Nous arrivons alors au choix de l'Austrel : programmer notre avenir, dès la naissance.
Je fais partie de celles et ceux qui ont décidé de lutter contre cette horreur qui s'annonce — selon Phil et Sako — comme le meilleur des mondes[xx] !
Tu pourrais t’en informer auprès de Franch...
Le voici !


[Arrivée de Franch.]

Franch : - Bonsoir à vous deux.
Comment t’intègres-tu dans cette nouvelle société en crise, Chris ?
As-tu déjà quelques vues sur un poste à pourvoir dans ce Nouvel Austrel ?
S’ils acceptent les handicapés, bien entendu…

Emma : - Ta remarque arrive à point.
Toujours aussi aimable et direct.
Nous étions en pleine discussion sur les interférences entre le pouvoir et l'idée du bonheur.

Chris : - Oui, notre chère Emma tente sérieusement de m’expliquer que la liberté n'est pas le propre de l’homme[i].
Alors que je pense plutôt que l'homme est enfin libre, lorsqu'il est pleinement citoyen[ii] dans une société raisonnable…

Emma : - Oh, tu anticipes bien vite !
Gardons notre premier sujet en te prenant pour exemple, Franch.

Franch : - Ah, ah ah…
Excellent !
Me voici projeté au centre du débat.
Suis-je à observer comme un gentil candide… ou comme un pauvre cobaye à disséquer ?

Emma : - Peut-être les deux, vilain sujet !
Considérons que chacun de nous soit avant tout une entité source… où tout est possible : le meilleur comme le pire.

Franch : - Je suis le pire alors…

Emma : - Certainement…
Tu es comme moi cependant capable de tout… en potentiel.
C'est ce qui constitue le vivant : de l’énergie disponible — une complexe alchimie d’ondes diverses — selon Yeph…
Il n'y a pas de certitude sur ce qui construit l'un et qui ne serait pas nuisible à l'autre…
Proposer une analyse du "bien et du mal" est un leurre, car les résultats ne seront jamais les mêmes en fonction des différentes sociétés où l’humain se meut, comme une abeille au sein d’une ruche...
N’est-ce pas Franch ?

Franch : - Et si l’on ne veut pas de la ruche ?

Chris : - Une abeille sans ruche ne saurait tenir seule...
Pour vivre, il faut une structure.

Emma : - Pas si sûre, la nécessité de structure.
Alors que toutes les abeilles dans la ruche finissent certainement par mourir, combien d'entre-elles ont vécu réellement ?
Même pour la reine, quel est le sens de sa vie, Chris ?

Franch : - Oui, vivre en tant qu'insecte…
Et que lui proposer comme raison d'être, si l'une d'elle est diminuée physiquement ?
Si par exemple, mon cher Chris, la petite bébête est handicapée… eh bien, ses collègues la réservent pour le garde-manger !
Tu as raison Emma…
Oui !
L'homme est comme l'abeille : stupide et sans cœur.
Nous devons... nous sommes condamnés à l'aider à disparaître de cette terre.

Emma : - Et toi, Franch, tu t’y prépares avant l’heure…
Est-ce parce que tu n’as plus l’envie de vivre que tu dois nous souhaiter la même fin à tous ?
Tu savais rire, autrefois…

                                                                                         
Chris : - C’est si vrai ?
L’homme serait stupide et sans cœur ?
Dis-moi, Franch ?
Allons, pourquoi ?

Franch : - ...

Emma : - Oh, ne prends pas cette mine atterrée, Chris...
Il est libre !
C’est sa vie !
Je lui reproche seulement de fonctionner comme l'Archyeur, à vouloir agir pour le "meilleur du pire", suivant son propre dégoût.

Chris : - Pourquoi ne désires-tu pas être heureux ?

Emma : - Et de quel droit, toi aussi… souhaites-tu quelque chose pour lui ?

Franch : - Taisez-vous tous les deux !
Que pouvez-vous comprendre à mon esprit, à mon cœur, à ma rage...
Seul !

Emma : - Ne dis rien, Franch.
C’est par cela que tu es libre.

Chris : - Mais as-tu le droit d’être heureux ?

Franch : - ...

Emma : - C’est là, Chris, la terrible raison d’être d’une société : le souci imposé de l’homme à l’homme.
Recouvrons la liberté !
Si Franch ne veut pas du bonheur, tu pourras alors seulement rire ou pleurer avec et contre lui.
Tu ne devras pas jouer sa liberté sur ta propre conception de la vie.


Chris : - Tu renies donc ton histoire ?
Quelle a été ta fonction dans la Cité… et maintenant sur les Bases ?
As-tu eu toi aussi une place dans le Nouvel Austrel ?
Il y a encore quelques souvenirs qui me font défaut depuis que la greffe seconde m’a été ôtée.
Pourquoi ne profites-tu pas d’être en bonne santé ?
Ou alors es-tu malade ?

Franch : - Malade ?
Oui et non.
Apparemment, l’organisme est en bel état.
Que puis-je te dire…
Je n’ai aucun plaisir à vivre en tant que petite abeille ouvrière ou guerrière dans cette ruche ou dans une autre — si belle soit-elle — et quelle que soit ma place…
Je refuse aussi — bien entendu — celle de reine !

Chris : - Donc tu es comme Yeph ?

Emma : - Absolument pas, Chris.

Franch : - Aussi malheureux, peut-être ?

Emma : - Il y a une différence entre ces deux fous : l’un lutte dans une ruche et se brise en brisant les alvéoles aux cris de la liberté...
L’autre vient paisiblement puiser le miel à la ruche sans faire de bruit, sans déranger les ouvrières, en leur laissant assez — plus qu’assez — pour vivre.

Franch : - Le parasite parfait…

Emma : - Plutôt le saprophyte.
Les abeilles attentives, s'accommodent très bien de sa présence furtive car elles savent s'enrichir de sa pollinisation multiple qui améliore la qualité du miel.
Oui…
Yeph — dans la ruche — partage le nécessaire, sans voler ou tricher… un échange honnête des biens, des tâches et des idées !
Yeph — hors de la ruche — passe son temps à butiner de fleur en fleur à travers tout l’univers...
Il écrit, il compose... sans se soucier de la couleur de son toit pour la nuit.
De retour dans le monde, il donne ses trésors à celles et ceux qui y sont sensibles.
C'est finalement une rencontre "gagnant – gagnant", tant qu'il n'est pas considéré comme le gêneur dans l'équilibre du système.

Chris : - J'ai tout à réapprendre de lui…
Il est donc finalement heureux ?

Emma : - Non, hélas !
Mais là, c’est un problème qui nous dépasse.
Nous avons tous beaucoup perdu de son histoire à cause d'Érik.
La Rumeur a été destructrice des liens affectifs.
C’est son cœur, son esprit...
Il se trouve abandonné…
Il se croit seul !

Et comme Franch, il est aussi maladroit et têtu.
Trop d’orgueil…

Un être en quête d’absolu comme Yeph n’est pas toujours en mesure de saisir l’amour que les autres lui portent.
S'il savait… 




RAPPELLE-TOI CES JOURS...






Rappelle-toi ces jours où l’on allait tous deux :

Le vent guidait nos pas, nous écoutions le ciel
Et ta présence aimante — à mon côté, fidèle --
Éveillait en mon cœur un sentiment nouveau.

 Douloureux et meurtri par trop de solitude,
Je m'étais enfermé, volontaire ou perdu,
Dans un autre univers… où l'espoir d'être heureux
Me semblait impossible : il n'y avait personne
Au détour d’un chemin pour m'indiquer la route
Et saisir mes sens, s'inquiéter de mes doutes
Et calmer mes passions.

 Vagabond sans compagne — oublié de ce monde --
Chassé sans complaisance aux portes des hauts lieux,
Je me devais d’inventer pour vivre, une histoire,
Une belle aventure...

 Je ne pouvais bien sûr imaginer ma vie
Sans mettre à mes côtés quelque présence aimante...

 Aussi, t'ai-je choisi parmi toutes et tous !
Mais, que tu fusses belle et même séduisante...
C’est bien plus à cette âme éclairant mon esprit
Que mes sens ont plié pour dépasser la peur,
Afin de voir l’enfant enfoui dans mes tourments
Jaillir et triompher par ses rires, ses vers.

 Tu m'as accompagné quelque temps sur la route
Et de très beaux projets s'écrivaient à la plume :
Une suite de lettres...
Invitations sans suite.
Je n'ai pas su répondre à ton premier amour
Et las, tu m’as quitté sans comprendre ma peine.

 Aurais-je pu t'aimer lorsque dans ma folie
L'aura de ta sagesse apaisait ma douleur ?
Mais pouvais-je soigner cette blessure étrange ?

 Au risque de mourir, à l'ombre de mon cœur
Il semblait impossible en demeurant sincère,
De t'inviter un soir à découvrir ma vie :
Je ne suis pas des vôtres...
La terre est mon supplice.
Il n'y a que la nuit, le silence et le feu
Pour élever mon âme… oublier qui je suis.



Emma : - La déréliction est un cancer qui le ronge depuis toujours.
Il recherche ce qu’il est chez l’autre sans accepter la solitude étrangère.

Franch : - Il pourrait cependant être heureux auprès de toi…

Emma : - Ah…
Yeph et moi ?
L'amour qui nous unit n'est pas ce qu'il espère de sa vie partagée.
Nous nous aimons sincèrement, mais je ne puis lui donner ce qui lui est nécessaire, lorsqu'il se pose, avant de repartir.
Je ne suis pas son île.
Il saura peut-être retrouver celle qui l'attend ?

Chris : - Ivan ?

Franch : - L'Arlésienne ?
C'est un mythe, pour nous éloigner de lui…

Emma : - Au-delà de la jalousie de Franch, tu sauras toi-même l’écouter à ce propos, mon cher Chris.
Je ne sais que très peu à son sujet.
Ce qui est certain et connu de tous, c'est la solitude douloureuse de Yeph, malgré notre présence aimante.

Chris : - C’est hélas encore et toujours à cause de la Rumeur; et si nous y ajoutons l'état psychologique de Tomas, son cher jumeau, il est vrai que ce n'est pas joyeux, joyeux !
Je souffre aussi de sa distance… Il est aussi mon frère.
Nos esprits furent auto-nettoyés — soit — mais je ne comprends pas pourquoi la greffe a laissé sur Tomas des colères si grandes avec cette dégénérescence cérébrale que je crains irrémédiable.
Le handicap me limite aussi chaque instant mais ne me rend pas méchant !
Je dois beaucoup apprendre encore sur ces histoires effacées de mon esprit.

Emma : - Probablement, mais laissons la question du bonheur de Yeph et de Tomas pour plus tard… si nous les croisons sur l’une des Bases.

Chris : - Oui… tu as raison.
Encore qu’à propos de la solitude étrangère, je pense que c’est vraiment ce à quoi Yeph aspire.
Hélas, un tel être ne peut trouver facilement la trame complexe du diamant qui pourrait lui apporter la possibilité d’un amour.
S’il a découvert en Ivan la perle fine, je comprends mieux les inquiétudes, voire la jalousie de beaucoup…
Enfin.

Franch : - Je ne crois guère au coup de foudre…
Un peu au hasard, c’est tout.

Chris : - Nous méritons chacune de nos rencontres, encore faut-il les senser !
J’ai encore à te poser une question, Franch…
C'est sur ce qu’Emma ose dire à ton sujet.

Franch : - J’aimerais te répondre sincèrement...

Chris : - Voilà, si tu es en accord avec nos propos, explique-moi l’intérêt que tu trouves à détruire une ruche ?

Franch : - N'y cherche pas de sens, si ce n’est mon rejet pour tout système.
Je massacre…
Cela m’occupe en attendant la mort[i] !

Chris : - Et serait-il possible de t’y prendre un peu autrement ?

Emma : - Et s’il ne le veut pas ?

Franch : - Merci, ma chère Emma.
Je suis capable de répondre.

Emma : - Bien entendu Franch, mais n’oublie pas que moi aussi j’ai ma propre volonté.
Tu n’es pas facile à vivre et je dois de plus, subir parfois les conséquences de tes frasques !
Si je te laisse agir, c’est parce que je te souhaite sans contraintes... même si cela reste pour moi la plus grande des douleurs lorsque tu es en guerre contre l’autre, contre toi-même.

Franch : - Pourquoi t’en mêler ?

Emma : - Tu le sais Franch, d’abord pour me protéger et aussi par amour !

Franch : - Je n’en ai pas l'envie.

Emma : - Tu es maître de ta vie...
Je tente de gérer au mieux la mienne !
Tu ne pourras pas empêcher l’humain d’avoir en lui une capacité d’amour et de la faire fructifier.

Chris : - Sauf par une greffe cellulaire.

Emma : - Oui, Chris, absolument !
Ôter la possibilité de ne pas aimer peut entraîner chez l’homme l’incapacité d’aimer.
C’est pour cela que Yeph est intervenu lors du Grand Jour.

Chris : - Je comprends mieux.
Pourtant, Franch ?

Franch : - Quoi de neuf, petit ?

Chris : - Sans amour, quelle est ta raison de vivre ?
Peut-on vraiment vivre de haine, de tristesse ou de violence ?
J’ai l’impression que tu rejettes ta propre existence.
Je te pense davantage en sousvie ou en nonvie…

Franch : - Qu’est-ce que la vie, Chris ?
Comme Yeph, j’ai perdu Tomas et je n'ai pas le désir, ni même l'espoir, d'autres îles à découvrir.
Il était tant pour moi !
Depuis son retour, il s’affaiblit sensiblement et il nous évite la plupart du temps pour ne pas nous affecter.
Je respecte sa pudeur : la crainte comme l’admiration n’empêche pas la souffrance…
Le combat comme l’amour se trouve dans le cœur[ii].
Le mien brûle d’action : j’ai opté pour les plaisirs de la guerre !

Emma : - Pardonnez-moi tous les deux : je reprends la parole.
Je ne prétends pas détenir une quelconque vérité, certes...
Acceptez seulement mon plus long chemin dans l’étude et l'analyse de l’amour humain[iii].
Voilà ce que Yeph me contait une nuit : « ma raison de vivre serait d’apprendre ; chercher toujours, sans nécessairement comprendre ».
Si le souffle qui nous meut est lié à une soif de connaissance, il y a plusieurs manières de se réaliser : celles notamment, guidées par le désir de conquête, de lutte, et parfois même le refus ou le rejet de l’autre, de la société, de soi...
C'est le temps des guerres : l'apprentissage dans la douleur d’une autodestruction… volontaire ou non.
Aussi, il y aurait peut-être un temps pour la paix : la possibilité de s’orienter vers le souci de construire des rêves et d’accueillir l’autre... en acceptant pour base de rencontre, la société qui se présente, ou même en la refusant discrètement.

Franch : - Et qu’est-ce que cela nous apporterait ?

Emma : - C’est-à-dire ?

Franch : - Oui, donne-moi l’occasion d’être convaincu qu’il est préférable de choisir une option plutôt qu’une autre...
J’ai une aversion totale pour tout système...
Nous sommes nés pour mourir et je ne crois en rien pour l’après !

Emma : - Peut-être es-tu né pour vivre, sans le savoir ou sans en désirer la quête ?

Franch : - Vivre ?

Chris : - Vivre chaque jour comme s'il était le tout premier de notre existence…

Franch : - Et qu’est-elle donc, cette proposition à vivre, si ce n’est l’apprentissage stérile, lorsque l’on n’est pas de l’école Yephicienne ?
Apprendre, créer… alors que nous sommes mortels ?
À quoi bon…
Demain, plus rien !

Emma : - À quoi bon ?
Peut-être le bonheur de comprendre l'amour et le vivre… ne serait-ce qu'un instant ?
Demain n'existe pas encore, mais cet aujourd'hui peut avoir du sens.
Souhaites-tu le découvrir ?
Est-il là, le mystère de notre humanité ?
Notre plaisir est notre force…
Sans nécessairement créer, il y a toutes ces aventures partagées, la découverte, le dépassement de soi, ces moments délicieux à l’ombre d’un grand feu…
Yeph n’a pas de principe de pensée ; pas d'école, de mouvement, de parti ou de société plus ou moins secrète…
Il nous invite plutôt à puiser dans tous les courants — d'être attentif à toutes les idées — afin de saisir la jouissance du savoir d'un instant et tout remettre aussitôt en cause.
Tu pourrais définir cela comme une démarche non binaire…

Chris : - Chez celles et ceux que tu nommes les non-aristotéliciens ?

Emma : - Oui.
Nous sommes en devenir des êtres non limités aux choix restreints du bien et du mal, du vrai et du faux.
Nous sommes réticents à nous laisser aller à la facilité de la simplification, pour la satisfaction de s’enrichir de la multitude des possibilités !
L’homme binaire s'inquiète de savoir ce que signifie la mort avant d’avoir résolu le sens de la vie !
Sa peur de la peur de la mort se transforme en appréhension de vivre et le condamne alors à la sousvie, voire à la nonvie.
La philosophie associée à l’étude de l’amour humain — la philanalyse — nous offre de saisir notre mortalité afin de jouir enfin pleinement de l’immortalité de l’instant[iv].
Si tu souhaites apprendre à vivre, face à toi se dressent à tout moment des portes nouvelles : certaines ouvrent sur la création, d’autres sur la destruction... Tout cela est en lien — toujours — avec la société dans laquelle tu t’exprimes.
C’est un étrange labyrinthe à choix multiples — à chemins parfois extraordinaires — que tu n’as pas toujours espéré, et qui s’impose rarement à toi.
Tu restes le plus souvent libre de tes actes.
Soit tu joues avec ces portes en évitant les embûches, les chausse-trappes et autres pièges, pour cheminer quelque temps — le temps d’une existence — dans cet espace sans fin dernière...
Soit tu oses t’asseoir, ramper, te laisser porter ou guider… alors que d’autres s’envoleront… afin de sortir de ce monde.

Franch : - Tu peux donc aussi choisir encore d'autres routes où tu dénonces, par la lutte, l'absurde des systèmes, et prendre ainsi plaisir à ridiculiser les minables, dévoiler les tricheurs en les soudoyant… et culbuter les ruches !

Emma : - En effet…
Franch joue la vie à coup d'ondes de choc… je préfère les ondes de charme[v]…
Nous sommes cependant les acteurs de notre existence !
Tu saurais peut-être aussi offrir à certains le droit de jouer avec eux-mêmes... parce qu’ils se pensent maîtres de leur destinée.
Et toi alors, tu t’invites à t’élever pour une vision plus globale d’un monde que je crains clos !

Chris : - Tu penses réellement qu’il est possible d’être hors d’une société ?
Moi, je pense que l’on en quitte toujours une pour une autre...

Franch : - Vivre, ce serait une grande bouffée d'air — quelques secondes de jouissance entre deux prisons — hors des concepts restaurés et réducteurs de bien et de mal ?

Chris : - Ce serait aussi comme le temps sublime de la chute — au sortir du vaisseau — avant que le parachute ne s’ouvre.

Emma : - Peut-être...
S’il s’ouvre ?

Franch : - La chute libre…
C’est vrai que cette sensation est extraordinaire : se voir tomber pendant ces quelques longues secondes où l’on se sent immortel.
Je rêve de le vivre entièrement nu… nageant comme dans l'océan…
Libre, à travers ciel…
Avec un parachute… quoi que : parfois l'on espère tant son absence ou qu'il y ait échec à l'ouverture… et boum !
Nous nous écrasons enfin !
En ce moment, je me contente de dévoiler la médiocrité de chacun afin de vous conter l’éloge du néant[vi]…
S’il existe, je serai libre de choisir ce rien[vii] à savourer.

Emma : - Tu seras très seul...

Franch : - Oui.
Tu peux aussi t’exprimer au présent !
Je suis seul.
Mon originalité ne me facilite pas l'union avec le vulgaire… J'ai donc opté pour le privilège de la solitude[viii] plutôt que d’avoir l’illusion d’être accompagné.
Me complaire dans la folie destructrice me donne au moins une raison d’exister sans Tomas.
J'ai beaucoup à œuvrer pour nettoyer l'univers de la bêtise humaine…
Tu désires venir avec moi, Chris ?

Chris : - Oh, je me sens davantage rassuré avec Emma !

Franch : - Devrais-je te comprendre ?
Tu comptes beaucoup pour moi…
Oui !
Tu as raison de ne pas me suivre.
Sans la greffe seconde, tu es de nouveau capable de penser par toi-même : va donc retrouver ce plaisir de la musique qui habille ton cœur…





D'un clic,
vers la deuxième partie…






Cliquer pour définir le HTML personnalisé
Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste en herbe, présente en ligne le Cycle de l'Austrel, tome troisième : Comme une abeille hors de sa ruche… Tous droits réservés ©
Google+
Auteur : Yves Philippe de Francqueville
Créer un site Web gratuitement avecWeebly
https://plus.google.com/u/0/101619965771005166491/about?rel=author