Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste présente :
Narcisse
Hommage à Hermann HESSE
Parfois sous le soleil, je marche seul et pleure
Alors que tout m'invite en ces jours à la joie.
Dans un livre est écrit que la mélancolie
Serait un privilège ou la trop lourde peine
Offerte à tout poète. Y aurait-il une âme
Au secret dans ce corps, qui ose se mouvoir
En songeant à la mort ? Vivre est réalité
Lorsque l'homme soudain s'arrête d'être un homme
Afin de s'éveiller : je souffre de ce mal.
Le drame d'une vie est de ne pas y croire.
Un matin de l'enfance, auprès du vieux château,
J'ai saisi dans ma peine aux lumières d'un feu
Cette idée — une image — à mes yeux certitude :
J'existe assurément puisque voilà, je doute !
L'angoisse du trépas ne saurait m'habiter
Car je ne ressens pas de crainte pour l'après.
Alors pourquoi pleurer, pourquoi cette langueur ?
Loin de toi, loin de moi, je suis las, sans vigueur...
J'ai rêvé bien souvent d'avoir une compagne
Voire, un doux compagnon, pour cheminer ensemble.
Une fois je le crus soudain venant à naître
Et surgir devant moi lorsque mes yeux se ferment.
Serait-ce une chimère afin de s'oublier ?
Il était délicat d'espérer me trouver
Aussi vite et sans peine en ce beau soir d'hiver.
Pourtant si c'était vrai, qui pourrais-je maudire ?
Et toi, si tu m'aimais sans vouloir me saisir ?
L'amour est né d'un jour où l'homme s'est levé.
C'était un animal auprès de tous les autres
Et sa raison de vivre aux yeux du créateur
Se limitait — sans doute — à poursuivre la race.
De même, je pensais suivre pareille route
Et donner à mon nom gracieuse descendance...
Tout me semblait alors écrit depuis toujours ;
Rien ne pouvait briser ce rythme interminable :
Lorsque tu nais je meurs, pour que tu prennes vie.
Je ne puis plus y croire en ce jour où mon cœur
Pour un être semblable a frémi… s'est épris.
Tu ne peux l'accepter ? Grand-dieu, je te comprends !
Nous sommes sur la terre orchestrés dans l'idée
D'être mû selon l'art fort pensé et pesé
D'un maître tout-puissant qui gère mal ou bien.
J'ai appris cependant à aimer, et voici
Que je brise à jamais par un doux sentiment,
L'harmonie assurant une paix pour ce dieu.
Dans mon ciel, il y a cet archange attentif
À chacun de mes cris. Une grande révolte
Est là qui se fomente, habilement menée
Par les plus purs esprits — intelligence en songe.
L'espoir de la victoire est assuré sans faute !
Doit-on se réjouir que notre âme ait un corps
Si nous fûmes créés avec des interdits…
Alors que dans les cieux, des anges, des esprits,
Se sentent limités et souhaitent notre vie ?
Je resterai fidèle à mon unique amour.
Si tu ne veux de moi, si tu ne puis saisir
L'honnête sentiment qui dévoila mon âme...
Sois sans crainte, ami, va ! Te voici libre enfin.
Un peu plus seul encore, aspirai-je toujours
À veiller près de toi ? Je m'éloigne déjà...
Le monde est à garder dans sa timidité.
Comprends-tu ma douleur ? Caches-tu quelque larme
Animant dans mon rêve un espoir d'être aimé ?
Tu as pris le couteau qui pourrait me frapper,
Ainsi, tu peux partir et achever d'un geste
Une aventure étrange aux reflets romantiques :
Je disparais sans toi… je meurs… je me consume.
Malgré la bague au doigt du cœur qui s’est offert,
Rien ne me fera perdre en mon esprit confus
Le sourire et les vers que m'apporte ton nom.
Brille encore, ô soleil, au profond de ma nuit.
Les ténèbres sont là... J'implore un requiem.
Parfois quand vient le vent, je reprends mon chemin
Accompagné d'un chant, d'un air doux et charmant.
Tes pas tracent les miens sans pourtant me guider ;
Soudain, je crois nous voir dessous les arbres rouges :
Plus grands, plus beaux, plus forts, vainqueurs du monde
[antique.
De mon corps sans souillure et d'une âme très pure,
Disponible et confiant je te suis : tu m'invites.
La mort alors s'enfuit : le rideau se déchire.
À la lumière du jour, nous voici retrouvés.
Poème de Yves Philippe de Francqueville, pirate des mots et philanalyste.
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